Pour une politique d'éducation artistique durable et concertée


Manifeste d'intérêt général

rendu public le 15/07/2006
par le FPEA – Forum permanent pour une éducation artistique




Nous, enseignant(e)s, éducateur(e)s, artistes, parents, citoyen(e)s, professionnele)s et militante)s de l’éducation, des arts et de la culture, prenons ensemble l’initiative d’un


Manifeste d'intérêt général
pour une politique d'éducation artistique
durable et concertée



A l'approche d'électons électorales majeures, nous dénonçons

  • La discontinuité de l’action de l’État au gré des alternances démocratiques
  • L’érosion actuelle des budgets de l’État consacrés aux arts et à la culture dans leur dimension éducative
  • Les écarts entre les paroles et les actes.



Face à une vision réductrice et normalisatrice de la réussite scolaire
, nous voulons que l’éducation de nos enfants réconcilie et valorise toutes les formes d’intelligence.


Face aux assauts quotidiens de la marchandisation, nous voulons que nos enfants apprennent à distinguer une œuvre d’un produit.


Dans une société du divertissement et de la médiatisation, nous voulons que nos enfants aient toujours le choix des arts et de la culture.


Dans une société fragmentée, nous voulons que la diversité des esthétiques et des pratiques soit une chance et une arme contre les déterminismes.


Nous affirmons que le chantier de l’éducation artistique doit être une priorité nationale


De quelle éducation artistique parlons nous ?




Devant les phénomènes de mode et d’affichage d’un apparent consensus nous éprouvons le besoin de définir à nouveau l’éducation artistique.




Nous AFFIRMONS qu’elle conjugue trois expériences qui se nourrissent mutuellement :

La fréquentation des œuvres. Cette pratique culturelle doit pouvoir se développer dans la régularité et la durée, organiser la rencontre équilibrée du patrimoine et des arts contemporains. Abordée avec ou sans préalable, toujours suivie d’échanges, elle est soutenue par un accompagnement, une médiation.


La pratique d’un art. De la sensibilisation à l’atelier régulier ou soutenu, la pratique artistique en amateur doit permettre de se confronter individuellement et collectivement à un processus de création.


La rencontre avec des professionnels. La fréquentation d’artistes, de technicien(e)s et d’artisans des métiers artistiques doit permettre la transmission de connaissances, de savoirs et de techniques, et doit contribuer à se représenter leur place et leur fonction dans la vie sociale, économique et politique.




Nous AFFIRMONS qu’elle conjugue nécessairement un projet pédagogique, un projet artistique et un projet culturel dans un cadre éducatif partagé.
Sa mise en œuvre concerne tous les professionnel(e)s et les acteurs des métiers de l’éducation, des arts et de la culture comme tous les responsables et les élu(e)s des politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales.

La dynamique de projet permet de vivre une expérience humaine et collective fondée sur un engagement de réalisation, de transmission et de partage. Cette traversée et cette gestion des incertitudes est formatrice en soi.

La dynamique de partenariat, dans le respect des singularités de chaque partenaire, garantit :
  • le croisement des expériences,
  • les transversalités entre des champs et des disciplines,
  • la complémentarité des compétences et des expertises.

De fait, l’éducation artistique diffère de l’enseignement artistique (*) comme de l’action culturelle (**)

(*) L’enseignement artistique apprend une technique artistique à travers des codes précis (musicaux, picturaux, géométriques, linguistiques, chorégraphiques, etc.) et des connaissances historiques et culturelles dans un champ donné.

(**) L’action culturelle est une action d’accompagnement et de formation des publics afin d’élargir l’accès à l’oeuvre d’art.





CE DONT nous SOMMES CONVAINCUS

L’éducation artistique contribue à la construction et à l’épanouissement de chaque individu tout en créant du lien social et politique. Un foisonnement d’expériences, de la maternelle à l’université, mais aussi dans le champ social, a fait la preuve des apports fondamentaux de l’éducation artistique à la construction de l’individu.




L’ÉDUCATION ARTISTIQUE PERMET À CHACUN DE :

  • Développer son intelligence sensible et créative.
  • Enrichir sa pensée, ses connaissances.
  • Accéder au sens, à l’imaginaire, au symbolique.
  • Élargir sa sensibilité, dépasser l’émotion immédiate et primaire.
  • Exercer son expression, son jugement critique et esthétique.
  • Comprendre le monde à travers ses représentations, découvrir d’autres cultures.
  • Développer l’écoute, la réceptivité et le respect des autres.
  • Apprendre les valeurs de la coopération plutôt que celles de la compétition.
  • Se connaître soi-même et se définir dans sa singularité.



L’ÉDUCATION ARTISTIQUE EST DONC UN DES MOYENS DE CONSTRUIRE UNE SOCIÉTÉ QUI :

  • Offre à tous et toutes un destin commun dans la République, et place la laïcité au cœur de ses valeurs.
  • Donne sa chance à chacun(e) quelle que soit son origine sociale et culturelle.
  • Ne stigmatise ni ne courtise la jeunesse, mais accueille et encourage son expression.
  • Promeut une culture démocratique, ouverte sur la diversité, le partage de sens et la solidarité, une culture d’intérêt général pour rééquilibrer les logiques exclusivement mercantiles.




CE QUE nous VOULONS

PARCE QUE l’éducation artistique n’est toujours pas accessible à tous et toutes, nous exigeons qu’elle soit au cœur d’un projet national d’éducation garanti par les politiques publiques.

Les enfants et adolescent(e)s en âge d’être scolarisés et les jeunes en formation doivent être les acteurs et les bénéficiaires prioritaires de l’éducation artistique.

PARCE QU’elle est fréquentée par tous et s’adresse à tous et toutes, l’École doit promouvoir et garantir l’éducation artistique.

L’École est le premier établissement artistique et culturel, dès lors qu’elle est ouverte sur son territoire et s’inscrit dans une dynamique partagée de projet et de partenariat.



Nous DEMANDONS QUE :

  • Le système éducatif français soit fondé sur le développement des diverses formes d’intelligence (cognitive, spéculative, sensible, sociale, coopérative…)
  • L’inscription de l’éducation artistique et culturelle dans le socle commun des connaissances et compétences pour tous les jeunes de la Nation soit traduite en termes de moyens et de mise en œuvre.
  • Les projets d’école et d’établissement intègrent cette nouvelle mission.


PARCE QUE l’éducation artistique n’est pas accessible à tous et toutes, nous exigeons qu’elle soit au cœur des projets territoriaux garantis par des politiques publiques. La démocratisation des arts et de la culture doit continuer de progresser dans une dynamique de démocratie culturelle fondée sur la participation active des habitant(e)s d’un territoire à la vie culturelle et artistique.



CET OBJECTIF IMPLIQUE :
  • La multiplication des partenariats entre artistes, établissements culturels, scolaires, éducatifs, et structures de jeunesse et de loisir.
  • Une harmonisation et une prise en compte des temps de travail, de loisir et d’éducation en terme de continuité.
  • Des mesures de soutien et d’accompagnement des pratiques artistiques en amateur en lien avec les établissements artistiques et culturels.
  • Des mesures de péréquation permettant de tendre vers l’égalité des territoires.
  • La création d’instances de coordination départementale et régionale permettant la dynamisation et le pilotage de projets partenariaux de territoire.

Une telle ambition mérite qu’une dynamique nationale, relayée par les services déconcentrés de l’État, en partenariat avec les collectivités territoriales, repose sur une implication concertée des politiques de la culture, de l’éducation, de la ville, de la jeunesse et de la vie associative.



PARCE QU’il faut garantir la place de l’artiste dans les projets d’éducation artistique,

IL EST TEMPS d’admettre que lorsque des artistes ou des technicien(e)s des métiers artistiques interviennent dans un projet d’éducation artistique, ils le font à titre professionnel, au nom de leur expérience.

IL EST TEMPS de reconnaître que cet acte professionnel repose sur deux dimensions majeures : l’accompagnement d’un travail de création, la transmission d’un art.

IL EST DONC URGENT que les différentes réglementations soient mises à jour et harmonisées pour s’adapter à cette priorité politique qu’est l’éducation artistique.

PARCE QU’une éducation artistique durable doit pouvoir s’appuyer sur des actions simples à tous les niveaux de décision.





PÉRENNITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES

Les politiques publiques, de l’État et des collectivités territoriales, doivent nous permettre de travailler dans la durée. L’éducation artistique s’appuie sur des moments partagés entre artistes, enseignant(e)s, éducateur(e)s et acteur(e)s culturels qui ont aussi besoin de se connaître pour trouver le juste équilibre de leur collaboration. Elle transforme le rapport au monde et aux autres par une lente maturation dont les effets ne sont perceptibles qu’à long terme.





DÉVELOPPEMENT DE RECHERCHES
SUR L’ÉVALUATION DE L’ÉDUCATION ARTISTIQUE


De nombreux témoignages ont mis en évidence les apports positifs de l’éducation artistique. Nous avons besoin d’outils d’évaluation pertinents, qui tiennent compte d’aspects quantitatifs et qualitatifs grâce à des modalités multiples :

  • Évaluation croisée. Elle n’appartient pas aux seuls enseignant(e)s, mais doit faire l’objet d’un travail conjoint avec les professionnels des arts et de la culture. L’évaluation peut porter sur les connaissances, les savoir-faire, les attitudes, et chacun peut y contribuer selon ses compétences.
  • Évaluation analytique globale et/ou sensible. Le travail artistique ne peut en aucun cas être enfermé dans des schémas figés. L’évaluation de l’éducation artistique doit s’appuyer aussi sur l’analyse de la perception, et faire émerger le parcours effectué autant que la seule acquisition de savoirs.





FORMATION

Les professions communément impliquées dans l’éducation artistique sont :

  • Les partenaires artistiques (artistes, directeur(e)s de structures…)
  • Les partenaires éducatifs (enseignant(e)s, directeur(e)s d’établissements…)
  • Les partenaires jeunesse (animateur(e)s…)

Chacune de ces professions doit pouvoir trouver dans sa formation initiale et continue une prise en compte de l’éducation artistique comme une part normale de son activité professionnelle. Il est indispensable que la formation de tous les acteur(e)s du champ de la sensibilisation aux arts comporte obligatoirement une dimension d’éducation artistique et de dynamique de projet.

L’éducation artistique met en présence des artistes, des éducateur(e)s, des enseignant(e)s ou des animateur(e)s qui doivent bénéficier de formations communes pour optimiser leur partenariat.


À l’initiative du Forum Permanent pour l’éducation artistique, ce texte a été approuvé en juillet 2006 par :

ANRAT – Association nationale de recherche et d'action théâtrale

ARCADI – Action régionale pour la création artistique et la diffusion en Ile-de-France
ATEJ – Association du théâtre pour l'enfance et la jeunesse
Biennale Théâtre Jeunes Publics/Lyon,
Association nationale
danse sur cour,
EAT – Ecrivains associés du théâtre,
FCPE – Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques

Ligue de l’enseignement,
Les Enfants de cinéma,
L’oiZeau rare,
La Maison des écrivains,
OCCE – Office central de la coopération à l'Ecole

PEEP – Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public,
Scène(s) d’enfance et d’ailleurs,
SE-UNSA – Syndicat des enseignants-Union nationale des syndicats autonomes
SNUipp/FSU – Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC (Professeurs d'enseignement général de collège) - Fédération syndicale unitaire

SYNDEAC – Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles
UNSA-Education – Union nationale des syndicats-éducation.