Rêve d'usine

Jeudi 13 mars 2003,
Politis
"A l'affiche"

Rêve d’usine,
un film emblématique

Christophe Kantcheff
Metaleurop, Matra automobile, Péchiney, Air Lib ? Les plans sociaux se multiplient, tandis que les chiffres du chômage poursuivent leur progression. Un film sort dans les salles de cinéma, en résonance avec cette alarmante réalité. Dans « Rêve d’usine », Luc Decaster a filmé les salariés d’Épéda, à Mer (Loir-et-Cher), depuis le moment où ceux-ci apprennent que leur usine va fermer jusqu’à la fin d’un conflit social de plusieurs mois. Un film en phase avec les maux de la société, et surtout un très beau film.


On dit du cinéma qu’il est l’art du présent, synchrone avec l’époque qu’il traverse. Il enregistre ce qui est, non ce qui a été. Avec Rêve d’usine, cette réputation est on ne peut plus justifiée. En septembre 1999, quand Luc Decaster décide de filmer les salariés d’Épéda de Mer (Loir-et-Cher), qui venaient d’apprendre que leur usine, pourtant bénéficiaire, allait fermer, la situation sociale n’était déjà pas très fameuse. Au même moment, Michelin annonçait un plan de licenciements d’envergure. La précarité se développait. Trois ans et demi plus tard, quand il sort en salles, Rêve d’usine apparaît comme l’un des films les plus emblématiques de notre époque, en résonance parfaite, hélas, avec l’état de notre société.


Metaleurop-Nord à Noyelles-Godault (Pas-de- Calais), Matra Automobile à Romorantin (Loir-et-Cher), Péchiney à Auzat (Ariège) ou encore Air Lib à Orly (Val-de-Marne) ne sont que quelques exemples récents d’entreprises à rayer de la carte parmi beaucoup d’autres. Plans sociaux et vagues de licenciements se multiplient, résultat croisé du ralentissement de l’activité et des effets de la mondialisation (fusions, délocalisations...). Les derniers chiffres du chômage, publiés le 28 février, sont venus confirmer ce qui apparaît comme une évidence : le chômage a poursuivi sa progression en janvier (0,7 %), totalisant 2,323 millions ou 2,724 millions de demandeurs d’emploi.


Si Rêve d’usine est un film emblématique, c’est qu’il est avant tout un très beau film de cinéma, portant haut le genre documentaire, que nous avons voulu traiter comme tel (avec critique, portrait du réalisateur, entretien...). Avec son tempérament de cinéaste humble et attentif, Luc Decaster a capté le quotidien des ouvriers jusqu’au jour de leur licenciement, comme pris au piège devant leurs machines, éteintes ou au ralenti, qu’ils côtoient depuis des décennies, sommés d’aller imaginer ailleurs une nouvelle vie improbable. Du conflit social au traumatisme individuel, de la colère à la souffrance, de l’incrédulité à la résignation, Rêve d’usine donne à voir un drame humain dans toute sa violence, sa complexité, son absurdité.


Cette richesse du film est autant dans ce qu’il montre que dans ce qu’il induit, ce qu’on nomme le hors-champ. C’est ce « hors-champ », la réalité alentour, que nous avons aussi voulu explorer, réalité économique, sociale, politique. Quelle a été la stratégie des propriétaires d’Épéda ? Quelle a été l’influence des dissensions syndicales pendant le conflit à Mer ? N’entend-on pas dans l’expression de la souffrance des ouvriers les prémisses du vote du 21 avril ? À ces questions et à quelques autres, nous avons tenté de trouver des réponses, en compagnie notamment de la sociologue Danièle Linhart. Nous sommes allés retrouver également quelques-uns des protagonistes de Rêve d’usine, Yolande Fillette, André Garnier et Alain Mignot.


Politis est partenaire de Rêve d’usine, et nous en sommes fiers.



Lire dans Politis n° 741 notre dossier spécial de douze pages autour du film de Luc Decaster. Ce numéro peut être commandé au journal : 01 55 25 86 86.

Rendez-vous sur le site des producteurs de Rêve d’usine.