Positif,
mars 2007
LIP. Jamais trois petites lettres n’avaient eu un tel impact sur la société française. Trois petites lettres qui, à elles seules, résument le fossé entre la France des années 1970 et celle des années 2000.
Les faits : en 1973, des salariés des usines horlogères LIP de Besançon s’emparent de leur outil de travail et fondent un modèle coopératif basé sur un slogan devenu célèbre : "C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie." Cette unique incarnation des idées de Mai 68, qui va durer plus d’une décennie, est avant tout une histoire humaine. Ecoutés avec attention et respect, les acteurs de la lutte témoignent de cette épopée, de leurs engagements et de ses répercussions dans leurs vies privées. Dans un premier temps, si la forme apparemment convenue de la réalisation ne laisse pas présager de surprise, la force des récits de l’émotion toujours vive de huit d’entre eux, plus de trente ans après, nous entraînent dans un lyrisme inattendu.
Syndicaliste, prêtre ouvrier, ouvrière ou patron moderniste, la parole de chacun est respectée. Tous sont d’admirables conteurs, passionnés, révoltés, déçus parfois, mais jamais aigris, porteurs d’une mémoire qui les anime aujourd’hui encore d’une authentique ferveur. Le verbe peut s’installer dans le temps (le film dure près de 2 heures), donnant à entendre une histoire collective qui, loin d’être dogmatique laisse sourdre une humanité.
Vincent Thabourey
Positif - Mars 2007