L'Humanité
(extraits)

Quelle peut-être l’intimité
de ces deux hommes

quand ils ne jouent pas
leur propre rôle ?




Entièrement tourné en décors naturels, avec la présence singulière de deux acteurs non professionnels, Honor de Cavalleria est une libre adaptation des aventures de l’ingénieux Hidalgo de la Mancha des plus surprenantes. L’homme à la triste figure (Lluis Carbo), flanqué de son célèbre écuyer Sancho Panza (Lluis Serra), promène sa silhouette dans un halo crépusculaire propre à la nuit américaine. Ils avancent, s’arrêtent, repartent, s’arrêtent à nouveau dans une économie de gestes et de mots qui confère au film une musicalité hypnotique. Albert Serra, dont c’est le premier long-métrage, ne s’est pas engouffré dans le piège de la reconstitution. Il choisit de montrer ce que Cervantès n’écrit pas. Quelle peut-être l’intimité de ces deux hommes quand ils ne jouent pas leur propre rôle ? Le Sancho de Cervantès, bavard, gaffeur, est ici un personnage mutique. Quant au Quichotte du film, jamais il n’a été aussi proche du celui imaginé par son auteur, fatigué, usé, mystique. Honor de Cavalleria est un objet cinématographique étrange et fascinant, une aventure qui ne manque pas de panache.

Marie-José Sirach – l’Humanité